Alerte au génocide à huis-clos des Arabes et des Touaregs au Mali

par Hélène Claudot-Hawad, anthropologue, CNRS

L’anthropologue émérite et chercheur au Centre National de la Recherche Scientifique de France (CNRS), Hélène Claudot-Hawad, auteure de nombreux ouvrages sur le monde et la société touarègue au Sahara et au Sahel, ainsi que plusieurs ouvrages ou recension avec le grand poète touareg Hawad,vient d’adresser à l’Organisation des Nations Unies un texte afin d’alerter sur le génocide à petit feu et rampant que subissent les populations touarègues et arabes principalement de l’Azawad depuis plus de soixante ans de la part des forces armées maliennes (FAMAS) et désormais des mercenaires des milices Wagner.

Texte de Hélène Claudot-Hawad aux Nations-Unies

Madame, Monsieur,

Je suis anthropologue et travaille depuis depuis plusieurs décennies sur le monde touareg en tant que chercheure au Centre National de la Recherche Scientifique.

Je souhaite vous alerter sur le danger extrême qu'encourt la population touareg et arabe du nord du Mali, depuis que la junte au pouvoir a décidé d'assimiler non seulement les représentants des anciens fronts armés, partenaires du Traité de paix d'Alger signé en 2015, mais toute la population touareg et arabe, à des « terroristes ». Depuis, une violence de type génocidaire associé à une propagande raciste se déchaîne contre tous les civils qui portent turban et en particulier contre ceux – hommes, femmes, enfants – qui ont le malheur d’avoir le teint clair.
Je vous communique le rapport que vous avez peut-être déjà reçu de l’association Kal Akal qui continue courageusement de recenser, dans la limite de ses moyens, les exactions perpétrées en novembre et décembre 2023 par l’armée malienne (FAMA) et la milice russe Wagner. Ces derniers s’en prennent systématiquement aux civils sans défense, les arrêtent, les torturent, les tuent, volent leurs biens et brûlent leurs habitations et leurs ressources végétales (voir également article joint).
Ces violences ciblent en particulier les nomades. Il n’y a plus aucune possibilité de vivre dans la zone nomade dont les habitants, terrorisés, ont dû fuir dans le dénuement le plus total vers les camps de réfugiés du côté de la frontière algérienne ou mauritanienne. L’aide peine à leur parvenir dans ces camps de fortune où leur protection n’est pas même assurée car frappés par les drones maliens.
Après le bombardement aveugle de la ville Kidal et l’entrée en force des Fama et Wagner dans la ville, les habitants qui n’ont pas été tués ont dû fuir et le pillage des maisons touareg et arabes a suivi sous l’oeil bienveillant ou la participation des forces armées et de la milice Wagner.
Cette situation violente et inhumaine exige des prises de position claires des organismes internationaux pour arrêter ces violations systématiques des droits de l’homme contre des civils innocents, contraints de quitter massivement leur pays. D’après les informations recueillies, il y a actuellement plus de 200 000 personnes réfugiées au camp de M’Béra en Mauritanie, sans moyens supplémentaires permettant de les alimenter et de les protéger.
Je vous remercie par avance de votre attention et de votre disponibilité à faire connaître cette situation criminelle si préoccupante. Je demande votre soutien indispensable pour assurer une protection véritable des rescapés de ces violences et faire entendre aux autorités des Etats sahéliens impliqués que la violation des droits humains et les exécutions extra-judiciaires pratiquées par leurs armées sont passibles de sanctions. Je me tiens à votre disposition pour tout renseignement utile sur la situation et pour la documentation des faits recensés.

Avec mes meilleures salutations,
Hélène CLAUDOT-HAWAD Anthropologue//

Alert to behind-closed-doors genocide of Arabs and Tuaregs in Mali

by Hélène Claudot-Hawad, anthropologist, CNRS

The emeritus anthropologist and researcher at the National Center for Scientific Research of France (CNRS), Hélène Claudot-Hawad, author of numerous works on the world and Tuareg society in the Sahara and the Sahel, as well as several works or reviews with the great Tuareg poet Hawad, has just sent a text to the United Nations to alert about the slow and creeping genocide that the Tuareg and Arab populations, mainly of Azawad, have been suffering for more than sixty years at the hands of the Malian armed forces (FAMAS) and now mercenaries from the Wagner militias. Text by Hélène Claudot-Hawad at the United Nations :

Madam, Sir,

I am an anthropologist and have been working on the Tuareg world for several decades as a researcher at the National Center for Scientific Research.
I wish to alert you to the extreme danger faced by the Tuareg and Arab population of northern Mali, since the ruling junta decided to assimilate not only the representatives of the former armed fronts, partners of the signed Algiers Peace Treaty in 2015, but the entire Tuareg and Arab population, to “terrorists”. Since then, genocidal-type violence associated with racist propaganda has been unleashed against all civilians who wear turbans and in particular against those – men, women, children – who have the misfortune of having a light complexion.
I am communicating to you the report that you may have already received from the Kal Akal association which courageously continues to identify, within the limits of its means, the abuses perpetrated in November and December 2023 by the Malian army (FAMA) and the Wagner Russian militia. The latter systematically attack defenseless civilians, arrest them, torture them, kill them, steal their property and burn their homes and their plant resources (see also attached article). This violence particularly targets nomads. There is no longer any possibility of living in the nomadic zone whose inhabitants, terrified, had to flee in total destitution to refugee camps on the Algerian or Mauritanian border. Aid is struggling to reach them in these makeshift camps where their protection is not even ensured because they are hit by Malian drones.
After the indiscriminate bombardment of the town Kidal and the forceful entry of the Fama and Wagner into the town, the inhabitants who were not killed had to flee and the looting of Tuareg and Arab houses followed under the benevolent eye or the participation of the armed forces and the Wagner militia.
This violent and inhumane situation requires clear positions from international organizations to stop these systematic violations of human rights against innocent civilians, forced to leave their countries en masse. According to the information collected, there are currently more than 200,000 refugees in the M'Béra camp in Mauritania, without additional means to feed and protect them.
I thank you in advance for your attention and your availability to make this very worrying criminal situation known. I ask for your essential support to ensure genuine protection for survivors of this violence and to make it clear to the authorities of the Sahelian states involved that the violation of human rights and the extra-judicial executions carried out by their armies are punishable by sanctions. I am at your disposal for any useful information on the situation and for documentation of the facts identified.
With my best wishes,
Hélène CLAUDOT-HAWAD Anthropologist

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