Imposture, carburant, frontières, terrorisme

Imposture, carburant, frontières, terrorisme


par Chekib Abdessalam et Abderrahmane Mekkaoui



Carburant : nerf de la guerre, dans l’espace sahélo-maghrébin

4x4 flambant neufs

La vocation des décideurs du système politico-militaire d’Alger est de mentir. Un mensonge voulu, programmé, ancien, échafaudé avant même l’indépendance. Cet empire du mensonge est construit à marche forcée par ses promoteurs dont les sectateurs zélés successifs mériteraient une pratique de tests cognitifs et psychiatriques car leur doctrine et leurs décisions n’ont épargné aucun domaine de la vie publique : notamment la falsification de la colonisation et de la « révolution » déclenchée en 1954 afin de les dénaturer et d’en modifier l’apparence. En ce sens, une perception totalitaire unanimiste doit impérativement s’installer dans l’opinion et habiter dans tous les cerveaux, des anciens combattants, des fonctionnaires, des travailleurs, des paysans, des intellectuels, des corps constitués, de la police, de l’armée. Cette doctrine est au programme des écoles primaires ou des académies militaires algériennes et complétée dans le cadre des formations encadrées historiquement par le KGB. Ce mensonge est consolidé par la terreur (arrestations, torture, assassinats) et par le tripotage ou trucage de toute élection depuis 1962, quel qu’en soit le niveau. Anp-Drs,l’armée et les services de renseignement veillent au grain. Ils monopolisent les manettes du pouvoir. Les responsables de l’ensemble des institutions civiles sont réduits au rôle d’exécutant. L’élimination des vrais maquisards et des révolutionnaire sincères se fera par purges successives. Les contrevérités et le boniment sur les accords secrets d’Évian avec l’ancienne puissance colonisatrice, sur l’indépendance, sur les assassinats de leurs propres chefs pendant la guerre et après l’indépendance, le mythe d’une révolution qui se suffit à elle-même par la négation à posteriori des solidarités et fraternités sans les quelles rien n’est possible pourtant, la vanité et la fabulation sur l’indépendance, sur la réalité de la guerre des sables de 1963, tant de postiches et de simulacres des années 90 à nos jours, sont autant d’écrans de fumée grâce auxquels se propagent de manière continue et diffuse l’illusion, l’irréel assumé éfrontément, s’assurant, évidemment, au préalable de l’impossibilité de droit de réponse, de débat et de représentation véritable par une censure et une terreur d’État qui relèvent d’un outrancier management de la peur.

Cette pathologie du délire mensonger organisé, poussé à l’extrême, et donc à la banalisation, à l’aveuglement, relève de la psychiatrie et fait partie, désormais, du domaine intellectuel, public, privé, culturel et idéologique. Les générations se succèdent. Aujourd’hui, résultat néfaste, le mensonge d’État fait partie de l’ADN du citoyen lambda. Vacciné, confiné, converti au régime par la force ou par la malice. La tromperie, presque parfaite, sert aussi de cache-misère au secteur économique et d’épouvantail au secteur informel. Elle permet de plonger dans les ténèbres de l’opacité une corruption largement partagée, érigée en vertu et en valeur quasi sublime.

Dans ce contexte, l’économiste averti tentera d’éclaircir la genèse du pillage des ressources considérables d’un territoire offert par de Gaulle et rapidement razzié à grande échelle. Ce que le premier président algérien Ahmed Ben Bella aura, très justement, appelé « un cadeau qu’il ne pouvait refuser même si c’est un mauvais cadeau ». Dés avant l’indépendance, le général de Gaulle est prêt à mettre dans la balance, pour la bonne exécution de ses projets en matière d’armes spéciales et de nucléaire militaire, les richesses pétrolières faramineuses découvertes au Sahara, territoire militaire français, exploitées depuis 1956. Comme dans la fable « le corbeau et le renard », le général président n’hésite pas à appâter les chefs arrivistes du FLN qui s’entre-tuent déjà pour le pouvoir, amateurs de palaces européens qu’ils découvrent lors de plusieurs années de négociations essentiellement financées, côté algérien, par les cotisations des travailleurs immigrés, des militants authentiques, des bourses d’étudiants et des réseaux Jeanson.

La volonté d’accaparement de la rente pétrolière et gazière par l’oligarchie militaire a plongé la société dans la pauvreté, la misère et les pénuries. L’État et l’économie en déliquescence ne sont envisagé que dans le cadre d’une économie fermée monosectorielle.

Pour comprendre l’histoire secrète des hydrocarbures du Sahara, principale richesse, spoliée sans scrupule, il est essentiel de connaître des dimensions et aspects ignorés de ce pillage systématique programmé. Au lieu de réinvestir à bon escient, le produit de cette richesse est attribué et réparti selon les desiderata du haut commandement militaire et selon les besoins des commandants des régions militaires. En effet, la rente pétrolière se caractérise en deux ensembles :

  • le premier, officiellement déclaré, dans le budget de l’État, et,
  • le second, masqué et blanchi, irrigue le secteur informel de la contrebande et du détournement. Il peut ainsi être investi et utilisé pour alimenter et dynamiser les commerces illicites en tous genres tels que ceux de l’or, des drogues dures, des psychotropes, des armes, des médicaments, etc.

Selon, Monsieur Hocine Malti, ingénieur pétrolier de la création de la Sonatrach (Société nationale des hydrocarbures) et pionnier de l’exploitation des hydrocarbures dés la nationalisation de 1971, « les milliards de dollars des hydrocarbures sont toujours aujourd’hui au cœur des règlements de comptes permanents entre les différents clans du pouvoir. » Il déclare, par le menu, que la collaboration avec la France dans le domaine des hydrocarbures était caractérisée par des conflits incessants de 1960 jusqu’à la nationalisation de 1971. Mais qu’en est-il de la véritable hémorragie des royalties du pétrole qui va bientôt alimenter le terrorisme sous toutes ses facettes et les réseaux mafieux souvent liés de l’espace sahélo-maghrébin ?

Le pillage de la manne pétrolière est mis à profit pour enrichir les dirigeants, la nomenklatura et acheter le silence des grandes démocraties sur les dérives du système militaire algérien scélérat. Monsieur Hocine Malti observe que le butin est toujours au cœur des guerres des clans et s’est transformé en régulateur permanent entre les différentes branches du système au pouvoir.

Le pétrole algérien et son évaporation dans l’espace sahélo-maghrébin

Cependant, Mr Hocine Malti qui a clarifié cette catastrophe humaine, n’a pas évoqué son impact sur les pays limitrophes. Particulièrement en ce qui concerne le rôle des militaires dans la contrebande de milliers de barils/jour de pétrole respectivement vers la Tunisie, le Niger, le Mali, la Mauritanie. Ce trafic juteux est une autre source de richesse qui n’a aucun caractère officiel et qui, moyen financier conséquent échappant à tous les radars, très vite, devient le nerf de la guerre, responsable de l’insécurité et du terrorisme dans l’espace sahélo-saharien. Sachant que les guerres sans fin sont forcément ruineuses.

Production annuelle et répartition des quantités et de la valeur

Au titre de l’année 2023, selon les statistiques de l’OPEC+, l’Algérie produit actuellement 900 000 tonnes de barils/jour de pétrole dont 450 000 barils par jour sont destinés à l’exportation et environ l’équivalent est destiné à la consommation locale. Dans les 50 % du pétrole supposé consommé localement, selon les estimations des observateurs, les militaires prélèveraient prés de 10 % orientés vers les pays limitrophes particulièrement le Mali, le Niger et la Tunisie. Ce qui équivaut à environ 2,5 milliards d’euros. Les chaînes interminables de 4x4, Toyota station, bâchées, land cruiser, Land-rover, divers pick-up, Nissan, et camions Berliet, Man, Mercedes, etc, tous transportant quotidiennement des quantités faramineuses dans des fûts de 200 litres aspirés dans les stations service d’essence des wilayates du grand Sahara autour des lignes droites frontalières qui lacèrent le désert.

Outre les mensonges et les manipulations qui accompagne les déclarations de bilan de la rente pétrolière, les économistes estiment effectivement que 10 % de la conso locale s’évaporent dans la nature quotidiennement à travers les frontières poreuses. Cette quantité de gaz-oil et d’essence explique l’existence de plusieurs chaînes autour des stations de carburant évaluées parfois à des kilomètres de 4x4, de camions et de motos, ce qui pose la question sur cette portion de la rente pétrolière invisible, inconnue, gérée en amont par les commandants de régions militaires limitrophes au Sahel et en aval par les trafiquants, les chefs de groupe de faux jihadistes, d’autres milices, d’une pléthore de privés et sous-traitants des opérateurs officiels.

Tout moyen de locomotion, circulant dans ce vaste territoire, est alimenté par le pétrole algérien y compris ceux des troupes de la Minusma, Wagner, Famas et leurs milices auxiliaires. Cet imbroglio est indiscutablement difficile à démêler. La collusion entre terrorisme, banditisme et institutions qui activent au grand Sahara et la consommation de carburant algérien procèdent d’une relation confuse et organique. La main-mise des militaires algériens et leurs relais sur ce trafic juteux est pourtant à la fois concrète et tangible.

Les nombreuses études faites sur le terrorisme au Sahel ont focalisé leurs recherches sur les principaux groupes terroristes et mafieux, sur leur profil, leur discours, leur armement, leurs idéologies, leur stratégies et leurs tactiques opérationnelles, leur connexion avec les contrebandiers, etc. mais, jamais sur le nerf de guerre de cette instabilité qui prévaut dans la région et l’implication de facteurs endogènes et exogènes de la région. Néanmoins, sans l’essence et le gaz oil, personne ne pourra circuler dans un territoire aride hostile. Sans les Toyotas, les Land-rovers, les camions Berliets, Mercedes, Man, motos Yamaha, Honda et autres, dans ce territoire de plusieurs millions de km², pour tous les consommateurs de carburant, aucune mobilité n’est possible. En terrain carrossable, le moteur à explosion a remplacé le dromadaire. Ce facteur d’envergure est un élément pourtant essentiel et impératif dans la menace permanente du danger terroriste. Malheureusement, les recherches spécialisées occultent cet élément essentiel à la survie à court terme et à long terme du banditisme et du terrorisme dans cette région.

Les chercheurs spécialisés sur la violence et ses ressorts, les militaires, les sécuritaires, les stratégistes et tacticiens, les journalistes d’investigation devraient se pencher sur la question de la logistique terroriste et de celle des trafiquants dans ce milieu inhospitalier. Au regard des différentes sources d’approvisionnement et de distribution du carburant dans la région, l’ensemble des acteurs présents connaissent pourtant parfaitement, depuis des décennies, les circuits et les relais qui font partie du paysage. Tous les belligérants s’approvisionnent forcément en carburant algérien, seule source substantielle et régulière de la région. Ainsi s’explique l’existence d’un trou béant, un trou noir, dans la compréhension du soit disant terrorisme qui n’aurait jamais pu exister sans son alimentation en carburant. Le gaz-oil ou l’essence sont vendus en vrac payé cash ou troqué contre de l’or, du diamant ou des conteneurs de cigarettes, de drogue dure et des chargements de psychotrope. Ce trafic a permis l’émergence de plusieurs chefs ou barons du terrorisme comme le chef d’Ansar-Eddine-Jnim, Iyad Ag Ghali et ses alliés Mokhtar Belmokhtar, dit monsieur Marlboro, et autres chefs de l’EIGS, du Polisario, d’Alqaida-maghreb-islamique (AQMI) etc.

D’autres seront servis gratuitement sous forme de dons ou d’offrande à des groupes ou milices alliées afin de servir les intérêts des donateurs ou géniteurs militaires. Beaucoup d’interrogations se posent sur le rôle et la responsabilité de l’Anp et de ses auxiliaires qui contrôlent la Sonatrach et sa société de distribution Naftal dans cette noria et ce flux incessant qui inonde le Sahara noyé de carburant qui visent à maintenir cet épiphénomène qui n’est rien de moins qu’un défi majeur à la stabilité et la sécurité des États fragiles, putschistes et corrompus de la région.

Méfiez-vous, ils sont entrain de vous enfumer !

L’empire du mensonge, « Imperio de mentiras » de série B, géré par la junte militaire d’Alger propage l’idée selon laquelle le terrorisme est vaincu dans le pays. Ils seraient devenus les champions du monde dans la lutte contre le terrorisme. Un comble, lorsque l’on sait que depuis le début des années 90, il existe, à quelque kilomètres de la capitale, des centres d’entraînement de faux terroristes de l’ANP (1ère région militaire – Mitidja). Pour rassurer leurs interlocuteurs et les diplomates étrangers, Alger prétend que son armée est un facteur de stabilité et de sécurité pour l’espace sahélo-maghrébin. Ce qui constitue indubitablement un inversement de la réalité.

Le commerce interlope de carburant n’est pas comptabilisé. Il est capitalisé, blanchi et placé dans les paradis fiscaux proches ou lointains.

En conclusion, le pouvoir algérien, par essence (sic), a toujours besoin de masques pour tromper ses interlocuteurs intérieurs et extérieurs. Ses enfumades sur ce commerce illicite et dangereux servent à manipuler l’opinion publique africaine et occidentale. En fin de compte, propager l’idée que ce trafic n’existe pas relève de l’art d’enfumer et de détruire. Dans le désert, si « l’eau, c’est la vie », amane imane, le carburant c’est la mobilité. Au Sahel, le carburant est l’oxygène des « groupes terroristes » islamistes ou d’État. Au Sahara, sans mobilité, on s’expose à une mort certaine. L’émotion manipule. La vérité libère.


Cela peut paraître une vérité de la palice mais elle n’est pas toujours assimilée. Le carburant est vital pour quiconque prétend à la moindre mobilité au Sahara et au Sahel.


Quant aux 4x4 flambant neufs des terroristes qui se permettent des selfies à ciel ouvert, il suffirait peut-être de relever les numéros de chassis et de série des véhicules pour obtenir une première traçabilité, idem pour les pièces détachées et le consommable.

Sous d’autres cieux, aprés une visite à Alger en partie motivée par la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine, Giorgia Meloni, la Première ministre italienne, a déclaré à la presse qu’Alger exigeait une autorisation de la France comme préalable à toute négociation sur les hydrocarbures.


Carburant sans frontière
3 frontières, Mali-Algérie-Niger


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