Constitution du Mali, un équilibre statique

Constitution du Mali, un équilibre statique


par Chekib Abdessalam


La Cour constitutionnelle de Bamako annonce des résultats définitifs du référendum sur le projet de Constitution à 96,91% de oui, pour un taux de participation estimé à 38%. Selon Bamako, cette constitution tourne la page de la troisième république et renforcerait les pouvoirs du Président de la République vis à vis du gouvernement mais aussi de l’Assemblée. Par ailleurs, un Sénat est institué et le français est désormais appelé “langue de travail”.


Soixante-quatrième année

Voilà 64 ans que le journal officiel de Bamako publie textes législatifs, réglementaires, fondamentaux et divers. Voilà aussi 64 ans que ces textes sont bafoués, ignorés, piétinés. En effet, depuis 64 ans, la vie malienne est dominée par la corruption et l’arbitraire. Nul n’est besoin de descriptions particulières tant le phénomène est de notoriété publique. Corruption et arbitraire sont même devenus naturels, banalisés, omniprésents, partagés, quotidiens. On baigne dedans jusqu’au cou, comme dirait un procureur de Tamanrasset ou de Gao, comme un poisson dans l’eau. Idem, gouverveur, chef de cercle, officiers, homme de troupe. Au Mali, corruption et arbitraire sont les deux mamelles du paradis terrestre. Honnêtement, il faut y ajouter la cocaïne qui transite vers son lieu de prédilection, l’Algérie. Mais cela ne suffisait pas aux descendants et bénéficiaires du partage colonial de l’Afrique, il fallait aussi perpétuer le pillage et surtout la pauvreté. Quand la pauvreté fut relative, supportable, ou en passe d’être vaincue, il fallut l’éradiquer, décourager les bonnes volontés, les meilleurs fils, éliminer tout espoir et saboter tout rouage capable de générer un véritable développement harmonieux, équitable, durable, pour tous.

Il fallut imposer et généraliser la loi du plus fort par les armes.


En effet, que s’est-il passé aprés les indépendances formelles ? Une alternance de périodes de disette voir de famine et de sécheresses successives mais aussi de périodes d’abondance. En effet, dans la boucle et sur les rives du fleuve, en raison du limon fertile déposé par les crues régulières sur le modèle du Nil, certains produits agricoles pouvaient donner lieu à quatre récoltes par an, notamment pour le mil et d’autres produits de première nécessité. De plus, le fleuve du Niger, alors propre, était le fleuve le plus poissoneux du monde. Il constituait une immense réserve de protéines. Le poisson était séché et transporté en caravanes, disponible dans la sous-région, en Afrique de l’Ouest, au Sahara et au Sahel. De plus, le pastoralisme était durant les bonnes périodes florissant. Le cheptel de l’Azaouad et du Macina ont même alimenté les troupes alliées qui ont combattu en Europe durant la deuxième guerre mondiale. La région ne connaissait pas le football. Mais une biennale avait lieu dans toutes les régions qui chacune avait des groupes de musique traditionnelle ou moderne qui remportaient une coupe tous les deux ans. D’aucuns se souviendront du Mystère Jazz de Tombouctou ou du Ray Band international etc. Où sont passés ces temps de chants, de musique et de danse, c’est à dire de bonheur ? Aujourd’hui, il n’ y a plus que crimes, terrorismes, exils et refuges. Même la Minusma, force de paix et d’interposition, doit s’exiler. Il ne reste que des pleurs, des orphelins et orphelines par milliers.


Aujourd’hui résultat des courses au pouvoir, des manipulations, des intrigues, désolation, immigration et tragédies.


Ceci n’est pas un cours de droit constitutionnel. Ce serait trop d’honneur. C’est une approche d’un ou d’une simple lecture de fils ou de fille d’Adam et Eve, descendant d’un australopithèque d’Éthiopie, du Tibesti, de l’Ennédi ou d’un Homo sapiens du haut Atlas marocain. Appliquons donc la thermoluminescence non plus aux outils en silex ou à des fossiles mais à un témoignage humain de papier contemporain, le numéro spécial n°13 du journal officiel du Mali du 22 juillet 2023.


Promulgation

La promulgation se présente au regard de la charte de qui ? De la Transition, c’est à dire la charte d’un coup d’État à répétition. Au vu également des “résultats définitifs” d’un référendum de plaisanterie nul et non avenu. Au vu d’une Refondation fantôme de l’État, masquant un coup d’État dans le coup d’État. Au vu enfin à travers le prisme d’un chef de junte militaire mué en chef de Transition puis enfin transformé en Chef de l’État. Cela fonctionne comme une usine de recyclage de déchets en économie circulaire. De l’entre-soi bien compris.

Préambule

Toutefois, le rédacteur de ce numéro spécial du journal officiel prend certaines précautions. Avant tout, il reconnait qu’une “crise multidimensionnelle affecte” à la fois l’État et la société. Il reconnait également l’existence d’une corruption telle qu’elle entrave le développement. Il va jusqu’à dire qu’il s’agit d’une entrave. Les grands révolutionnaires, d’il y a 50 ans, tenaient déjà le même language de fortune. La fumée s’est dissipée, aujourd’hui plus personne n’y croit. Les beaux discours grandiloquents sont depuis fort longtemps discrédibilisés par eux-mêmes.

Droits, devoirs, liberté

“Tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la région, la couleur, la langue, la race, l’ethnie, le sexe, la religion ou l’opinion politique est prohibée” les Maliens, entendez par là les partisans du yerewolo et du koura, c’est à dire les partisans de la junte putschiste ou ceux qui en auront été abreuvés de quelques pauvresses. Par contre la discrimination a toujours existé imposée au départ par le régime colonial selon l’adage diviser pour régner repris à son compte dès l’indépendance par le régime et la minorité installée par le pouvoir colonial au détriment des autres composantes que ce soit au Sud, au Centre ou au Nord. Pas besoin de faire un dessin.

État, république bananière

La mentalité inhérente aux bagnes de Taoudenni ou de Kidal a remplacé celle de l’hospialité et des rencontres traditionnelles. Les anciens royaumes ou empires ne sont pas tous pris en compte mais seulement ceux qui arrangent la minorité au pouvoir. D’ailleurs ces Royaumes, tous dignes de respect et historiques sans exclusive, sont remplacés par la Res Publica latine de droit romain. Peut-être, les anciens royaumes mandingues, le petit royaume Bambara ou Bamanan du 18e siècle, ou les plus anciens du Ghana, du Macina, Toucouleurs Soninkés, Almoravides, Saadiens, Amazigh ou Chérifiens n’ont-ils jamais existé mais que ces régions africaines furent enfantées et instruites par un quelconque empire romain disqualifié en res publica ? Toujours est-il, qu’il n’est question que de république bananière aux dix et un coups dÉtat au mains d’aventuriers sans foi ni loi qui aujourd’hui voudraient se donner bonne conscience en s’achetant une virginité, à coup de Wagner et de lingots d’or.

Souveraineté, aprés barkhane, Wagner et l’Eigs

Comment aprés avoir été un demi siècle durant le jouet des investisseurs agréés Fmi et Banque mondiale dans le cadre d’une économie extravertie et livrée aux pollutions diverses, Ogm, et autres engrais azotés de synthèse ou métaux lourds, puis des françafrique puis des russie-afrique ou des Algériens-terroristes-contrebandiers, comment se prétendre d’une quelconque souveraineté ? de quel souverain s’agit-il ? Un souverain colonel putschiste qui se serait allié à l’État islamique au Grand Sahara ? Non, le Sahara est bien trop grand pour les colonels putschistes qu’ils soient algériens ou maliens.

Pouvoir exécutif : blanchiment des coups d’État

Le gouvernement de Maiga ou d’autres ne servent qu’au blanchiment des coups d’État, l’arbitraire demeure la vertu cardinale du pouvoir. Ce qui est désigné par " AUTORITES ET LEGITIMITES TRADITIONNELLES " et la référence à " L’UNITE AFRICAINE " ne sont là que pour brouiller les cartes et attendrir le perdreau de l’année car ils ont été vidés de leur substance depuis fort longtemps. Transitoire et finalité riment avec rêve et cauchemar.

Référendum truqué nul

Les putschistes peuvent se réjouir ou s’attrister, c’est selon, car ils ne sont pas les premiers en la matière. Le voisin du Nord est plus fort. En effet, en 1976, le colonel putschiste Mohamed Boukharouba, alias Houari Boumedienne, se faisait élire à 99,98 % de OUI. Annoncé en grande pompe dans le quotidien national unique (El-Moujahid, le Martyr) en rouge et en caractères gras au dessus du titre de l’organe de presse. Entendons par presse, une machine-outil permettant de former, d’assembler un produit, électeur ou élection, par application d’une pression. Chaque putschiste choisira la presse qui sera la plus adaptée au process choisi. À chacun sa façon de faciliter la justification mensongère de l’origine de ses biens, de ses textes, de son pouvoir, des crimes et des délits qui peuvent lui assurer tout profit direct ou indirect.

La terre possède une mémoire que l’on ne peut balayer d’un revers de main.

Ainsi, les colonels putschistes de Bamako sont en retard d’un demi siècle par rapport à l’aîné du grand Nord. Ils auront à coeur de faire mieux pour les prochaines élections présidentielles ou législatives à venir ou à ne pas venir. Mieux, ce sera 99,99% ou plus.

Par contre, Bamako n’est pas en reste en matière de putsch. Bamako peut être fière d’avoir à son actif une dizaine de coups d’État réussis et impunis à ce jour. Pas de quoi rougir, elle est dans le peloton de tête du Tour d’Afrique des coups d’États. Où est cette Afrique découpée par le colonialisme en territoire qu’il lui aura choisi délimités par des frontières qu’il lui aura tracées, que l’historien Joseph Ki Zerbo qualifiait de vivisection ? La première des dominations dont devrait s’affranchir l’Afrique : celle des frontières coloniales qui lui ont été imposées en violation du droit international.

Ainsi, bien qu’il soit fait référence au passé dans le préambule, à l’héritage “de grands empires et royaumes”, et plus récent au “martyrs du colonialisme”, tout comme chez le grand voisin du Nord d’Alger qui se faisait passer pour capitale de la révolution par des putschistes criminels, corrompus et impunis, cela n’était qu’un écran de fumée permettant de se cacher derrière un arbre qui cache la forêt.

La cerise sur le gâteau :

À la page 17, dans les dispositions particulières, elles s’appellent comme ça, on ne se refuse rien. En effet, mieux vaut entendre ça que d’être sourd. Comme une disposition finale qui parachèverait le tout : la cerise sur le gâteau. Mais c’est aussi l’accessoire à petit prix. Il ne mange pas de pain. Pour une osbcure raison, on continue à faire du blanchiment jusqu’à l’article 187 sur 191. “Article 187 : Tout coup d’Etat ou putsch est un crime imprescriptible contre le Peuple malien”. Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais.

Impunité toujours l’Impunité

Article 190 : Jusqu’à la mise en place des nouvelles institutions, les institutions établies continuent d’exercer leurs fonctions et attributions. Toutefois, les activités de la Haute Cour de Justice prennent fin dès la promulgation de la présente Constitution.

Ce qui veut dire en language simple, que chacun reste à sa place. Statu quo ou modus vivendi ? Les putschistes, les criminels, les voleurs, les profiteurs ne seront certainement pas inquiétés. Au contraire, plus de Cour de Justice, donc pas question de punir qui que ce soit. Surement pas ceux qui perçoivent des émoluments de l’État depuis des décennies ou seulement depuis peu. La contagion n’a jamais fait de mal à personne.

Le clap de fin : bravissimo

Grâce à l’article 191, on comprend enfin à quoi servait un référendum de plaisanterie. " La présente Constitution sera soumise au référendum. Au cas où elle recueille la majorité des suffrages exprimés, le Président de la Transition, Chef de l’Etat, procède à sa promulgation dans les huit (08) jours suivant la proclamation des résultats définitifs du référendum par la Cour constitutionnelle." La magie continue le putschiste devenu Président de la Transition devient Chef de l’État. Pour finir en beauté, à l’algérienne, on promulgue mais sans oublier d’applaudir le spectacle. Les comédiens applaudis par leur famille et leurs proches saluent le public. Rideau.



Que conclure ?

In fine, une constitution se sera métamorphosée en coup d’État dans le coup d’État du coup d’État, par un coup de baguette-mitraillette magique de Kati-Koulikoro. Un texte qui témoigne de la préhistoire du Mali, celui d’un seul peuple, d’un but, trois fois grandiloquent de l’arbitraire, de la corruption et de l’impunité.


Résumé, l’équation tient en ces termes :


Mali/Algérie = Arbitraire + Corruption + Impunité = Wagner/EIGS (État Islamique au Grand Sahara)


Constitution du Mali

Journal officiel 13 spécial Constitution



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