Xavier Driencourt avait-il raison ? Visite d’un général sanguinaire à Paris
par Chekib Abdessalam et Abderrahmane Mekkaoui
Le général de corps d’armée Said Chengriha de l’armée nationale populaire de la régence d’Alger (Anp) est actuellement en visite officielle en France. Il s’agit d’une première depuis celle de son prédécesseur, le général Ahmed Gaid Salah en 2006. Ce général est à Paris avec pour mission de préparer et d’encadrer la visite d’État du président désigné Abdelmadjid Tebboun prévue au mois de mai prochain. Ces visites suscitent beaucoup d’interrogations en Algérie et dans la diaspora algérienne.
Cependant, les communiqués du MDN (ministère de la défense d’Alger) se succèdent. Le responsable militaire algérien vient d’être accueilli en grande pompe par le chef d’état-major de l’armée française et par le ministre des armées avec lequel il a signé une feuille de route relative à la coopération militaire et sécuritaire entre les deux pays. Ce général qui fut cité dans les massacres de la décennie noire à Lakhdaria (ex Palestro), et qui tuait de sa propre main, est malheureusement l’invité d’honneur à l’Élysée du président Emmanuel Macron.
Cette visite semble marquer un tournant dans les relations militaires internationales de l’Anp et une rupture avec son tuteur et parrain, depuis 1962, à savoir l’URSS puis la Russie. Ce revirement se confirme dés les défaites successives des Russes dans le Dombas et la défaillance de l’opération militaire spéciale en juin 2022. Devant cet état de fait, sous les pressions américaines et françaises, notamment la pétition de 27 sénateurs américains en faveur de sanctions contre l’Algérie suite à son alignement sur la Russie, à cause de l’aide détournée à ce dernier par le biais de contrats colossaux d’achat d’armes au complexe militaro-industriel russe, et à cause du financement occulte, de l’accueil et du ravitaillement de Wagner à Tamanrasset. Les menaces occidentales avaient produit leur fruit en provoquant l’annulation des manœuvres militaires de Hammaguir, le report sine die de la visite de Abdelmadjid Tebboun à Moscou programmée en décembre 2022, et en impliquant l’annulation de plusieurs contrats d’achat d’armement, et la réduction du budget de défense de 23 à 18 M de dollars.
Dans ce contexte, l’état-major algérien aurait décidé de suspendre son aide à la milice russe Wagner. Il formule aussi le vœu pieux de procéder à la cessation de la manipulation des putchistes de la zone sahélo-saharienne et de l’Afrique de l’Ouest souvent bénéficiaire de valise diplomatique sonnante et trébuchante.
Ainsi, le divorce, entre Anp et armée russe, aura poussé les officiers algériens, à la limite de leur politique de caméléon et de survie quoiqu’il en coûte, à diversifier leurs achats d’armements en se tournant vers la France, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, la Chine, l’Afrique du sud et le Brésil. Comme dit le proverbe arabe, « la tête qui ne tourne pas est une colline (koudia) ».
Avant son arrivée à l’aéroport du Bourget, en France, le chef d’état-major Chengriha a présidé une grande cérémonie à l’occasion du 10e anniversaire de l’attaque meurtrière instrumentalisée de Tiguentourine où il aura planté une dizaine d’arbres d’une essence inadaptée et non pas des palmiers ou des acacias plus indiqués, sachant que l’opération de liquidation des otages européens et asiatiques était l’œuvre du général Aït Ourabi alias Hassan chef du service action sous les ordres du général Mohamed Médiene, alors directeur du DRS. Ce cérémonial a eu lieu en présence de plusieurs ambassadeurs de grandes puissances et de haut dirigeants de grandes multinationales du secteur des hydrocarbures. Dans son discours, le général Said Chengriha s’évertue à les assurer que leurs investissements sont et seront sécurisés par l’Anp. Il formule un autre message selon lequel l’armée algérienne reste le garant de leurs intérêts vitaux en Algérie quoique l’investissement soit plombé par l’absence de maintenance et de logistique renouvelée régulièrement depuis prés de 20 ans. Ce qui entraîne dés lors d’énormes surcoûts pour la remise aux normes de l’appareil industriel. Leur rentabilité s’en trouve improbable. Ce discours du chef d’état-major signifie que l’Occident se devrait de soutenir les militaires au pouvoir à Alger car sans eux leurs intérêts seront assurément en péril. Ce virage à 90° de l’Etat-Major algérien est aussi fait pour rassurer la France de la disponibilité des nouveaux tirailleurs algériens à protéger leurs intérêts vitaux communs en énergie, en uranium (Timgaouine), or etc. la France s’est lancée à corps perdu dans une stratégie du tout nucléaire pour sauver sa population de la crise énergétique et son économie de l’inflation et de la récession. Contrairement à la mafia politico-militaire affirmée par le président Macron et affaiblie par le hirak, qui elle n’agit aucunement dans l’intérêt général mais seulement dans celui d’une nomenclatura au service des clans de l’armée monopolisant le pouvoir à El-Mouradia.
Dans ce contexte versatile de politique extérieure menée par un général et de conflits intestinaux au sein de l’oligarchie militaire des Taggarins, la mise en place des stratégies nouvelles prévues par la constitution algérienne modifiée récemment, afin d’envoyer des troupes de l’Anp sur un théâtre d’opération extérieur, au Sahel, est mise en œuvre et discutée par les spécialistes franco-algériens. Par ailleurs, déjà, une quatorzième session de la commission militaire algéro-mauritanienne s’est tenue à Nouakchott simultanément à la visite à Paris du général Said Chengriha. Cette réunion, qui s’est déroulée en toute opacité, prévoit la construction d’une base algérienne aérienne et terrestre entre la Mauritanie et le Mali qui permettrait les facilités logistiques et opérationnelles pour l’envoi et le déploiement des troupes de l’Anp au Sahara et au Sahel, tout en perpétuant l’instrumentalisation de la milice islamiste d’Iyad Ag Ghali, jusqu’alors pièce maîtresse du dispositif d’Alger dans sa pénétration au Sahel depuis plusieurs décennies au même titre que les faux djihadistes terroristes et trafiquants made in algéria-Drs alliés naturel de l’Anp et création ex- nihilo de longue date du service du renseignement.
Dans ce cadre, les militaires des Taggarins souhaitent de la part de la France la vente de plusieurs armements sophistiqués quelqu’en soit le prix. Les navires multifonction FRIM, une partie des sous-marins français (un lot de 3) non achetés par l’Australie qui s’était subitement désistée, des canons César, une escadrille d’avions rafale et des missiles crotales en mettant sur la table d’ors et déjà entre 5 et 7 milliards d’Euros, rien de moins. Ce qui constitue une opportunité commerciale pour l’industrie de défense française.
En venant en France, le général Said Chengriha montre bien qu’il cherche un nouveau protecteur ou un parrain, en remplacement de l’ombrageux ours du grand Nord, la Russie, qui lui garantisse une certaine légitimité politique à l’internationale en considérant l’Anp comme seul interlocuteur crédible en Algérie. Par la même occasion, la France ne manquera pas de donner un coup de pouce ou du moins son aval à la réélection de Abdelmadjid Tebboun pour un deuxième mandat de président désigné dépourvu de toute légitimité intérieure car, en effet, la majorité de la population boycotte les urnes de nombreux scrutins depuis la création de cet État.
Un tel revirement calculé et non improvisé, des deux parties est le résultat de la guerre de la Russie en Ukraine. Ce mariage pas très catholique aurait bien des conséquences fâcheuses sur la stabilité et la sécurité de l’ensemble des pays d’Afrique du Nord, du Sahara et du Sahel. Enfin, il pourra accélérer voire précipiter, comme disait Xavier Driencourt, l’effondrement ou l’implosion de ce pays factice aux ramifications dangereuses qui affecterait ses voisins et son vis à vis de la rive nord. Le général est aussi à Paris afin de régler un différent familial avec son fils le commandant Chafiq Chengriha en divorce avec l’Anp.
La rédaction de sahara-central.info
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