Cocaïne connection Oran Marseille

Jun 3, 2023 · 12 mins read
Cocaïne connection Oran Marseille

Par Abderrahmane Mekkaoui et Chekib Abdessalam

SOMMAIRE

La mutation
Oran, Medellin africaine
Étrange vaudeville à Gao
Sécuriser les pistes de la cocaïne
Comprendre la fusillade de Marseille


La mutation

Selon les études menées par Interpol, Europol et l’Office des Nations unies chargé de la lutte contre les drogues et les crimes, les plus grosses cargaisons de cocaïne et d’héroïne découvertes en Europe depuis 2021 proviennent principalement du Pérou, du Mexique et de la Colombie, qui est le premier producteur mondial de feuilles de coca. 16 tonnes sont découvertes à Hambourg en février 2021, 11 tonnes à Anvers en Avril 2021. Autrefois traitée par un seul cartel urbain à Medellin, la cocaïne est désormais produite par plusieurs gangs réfugiés dans la forêt amazonienne déléguant la commercialisation au cartel de Mexico. Cette évolution a été constatée après l’assassinat de Pablo Escobar.

En effet, plusieurs cartels ont émergé et se sont réfugiés dans la forêt amazonienne. Le cartel de Mexico, plus fort en logistique et en communication, a été chargé de la commercialisation de la drogue, changeant ainsi les règles du jeu en orientant l’exportation vers d’autres itinéraires, tout en maintenant les routes traversant l’Afrique de l’Ouest, le Sahel et l’Algérie. Les flux de drogue transitent souvent par ces régions et constituent une étape vers l’Europe. Étant donné la concurrence féroce entre les bandes rivales sur le marché de la cocaïne et de l’héroïne, il est pertinent de suivre les itinéraires de ce trafic colossal et juteux.

Le trafic de drogue est un phénomène tragique qui se répand dans les petites villes et villages de France et d’Europe. Les trafiquants utilisent des armes de guerre et des moyens de communication sophistiqués tels que des drones, des jet-skis, des mini-sous-marins et des téléphones satellitaires pour faciliter leurs activités. Les observateurs qui suivent ce commerce illicite en provenance d’Amérique latine constatent que le marché est régulé par un parrain principal qui l’exporte de manière calculée vers trois destinations : la région de Calabre, Alicante en Espagne, Marseille et la Côte d’Azur en France. Ce trafic a des conséquences tragiques sur la jeunesse marseillaise et doit être combattu avec force.

En 2018, le flux de la cocaïne et de l’héroïne a augmenté, créant des micro-mafias. Les prix ont chuté à 15 € le gramme pour l’héroïne et 20 € pour la cocaïne. La mafia marseillaise a subi une mutation, laissant peu à peu place à une mafia maghrébine, arabe, comorienne, albanaise, kosovare et roumaine. Le marché du cannabis a cédé la place à la cocaïne et à l’héroïne. Le Maroc lui s’est tourné vers l’industrialisation pharmaceutique, en utilisant les vertus médicinales du cannabis pour des traitements médicaux, notamment pour le cancer. La coopération sécuritaire entre les Espagnols et les Marocains et cette nouvelle orientation de transformation du kif pour des traitements médicaux ont considérablement réduit ce commerce prohibé.

Oran, Medellin africaine

En 2018, la DEA américaine et les services de renseignement espagnols ont collaboré afin de démanteler un important trafic qui va générer le scandale des flux de cocaïne sur les côtes d’Oran. 710 kgs de cocaïne sont saisis. L’enquête ne sera jamais menée à son terme cependant elle sera instrumentalisée de manière à permettre à des clans de l’armée algérienne de se débarasser de leur rivaux et réciproquement. Plusieurs généraux de l’Armée Nationale Populaire algérienne (ANP) ont été incarcérés à la prison militaire de Blida. Ces gradés occupaient des postes stratégiques dans le système politico-militaire algérien, tels que le général Abdelghani Hamel, Directeur Général de la Sûreté Nationale, Mennad Nouba, commandant de la Gendarmerie nationale, Said Bey, commandant de la 2e région militaire (Oran), Mohammed Bouchentouf, commandant de la première région militaire (Blida) et Shérif Abderazaq, commandant de la 4e RM (Ouargla). En plus de ces généraux, 400 officiers et sous-officiers impliqués dans ce commerce transnational de drogue dure ont été limogés et incarcérés. D’autres sont en fuite à l’étranger. Il s’avère que le réseau de l’homme d’affaires Kamel Chikhi et de Khaled Tebboun, actuellement conseiller à la présidence, sont impliqués dans ce scandale. Ils ont utilisé des voies maritimes et aériennes pour transporter de la viande argentine, paraguayenne, etc, jusqu’à Oran. Khaled Tebboune, le propre fils du président algérien, est arrêté le 20 juin 2018 puis incarcéré à la prison d’El Harrach, dans la banlieue d’Alger.

Par ailleurs, l’instrumentalisation par l’ANP du Polisario au Sahel et au sud de l’Europe est un exemple clair des enjeux et des acteurs impliqués dans les routes multidirectionnelles du trafic de drogue. Des pays tels que le Venezuela, Cuba, le Brésil, le Pérou et la Colombie sont concernés. Dans ce contexte, l’ONU enquête sur le système des gangs de l’ANP. En effet, en Algérie, la cocaïne et les généraux algériens ont donné lieu à la constitution et l’utilisation de gangs criminels et de réseaux terroristes. Un rapport a révélé l’implication des officiers supérieurs algériens dans le trafic de drogue, confirmée par les révélations de Bounouira ancien secrétaire particulier de l’ex-chef d’état-major de l’ANP Ahmed Gaïd Salah. De plus, des vidéos révèlent que l’actuel chef d’état-major, le général chef de corps d’armée, Said Chengriha, est compromis dans ce commerce interlope florissant en instrumentalisant le Polisario, le Mujao, les Mourabitoune, les signataires par le sang et Daesh. Ce général sanguinaire utilise l’argent de la drogue pour semer la subversion et l’instabilité dans l’espace sahélo-maghrébin.

Étrange vaudeville à Gao

L’affaire du consulat général d’Algérie à Gao en est un exemple flagrant. Il s’agit en fait de règlement de compte entre les officiers du DRS chargés du faux jihadisme et les contrebandiers de la cocaïne dont des éléments du Polisario. La prise d’otage du consulat algérien à Gao est une véritable pièce de théâtre de mauvais goût entre le Mujao (mouvement pour l’unicité et la justice en Afrique de l’Ouest) et le DRS (Direction du Renseignement et de la Sécurité) algérien : la cause principale en est que le Mujao dont les premiers éléments étaient à l’origine des « trabendistes » (trafiquants, contrebandiers, convoyeurs) composés de Mauritaniens, d’éléments du Polisario, de Maliens et d’Algériens dont le fameux Mokhtar Belmokhtar, dit monsieur Marlboro. Ce groupe de trafiquants va intégrer l’Aqmi et créer, à l’incitation du DRS, une dissidence en formant une nouvelle organisation de faux jihadistes appelée Mujao avec à sa tête l’émir Hamada ould Mohamed Kheiro, mauritanien, passé par les camps du Polisario à Tindouf, ancien prisonnier des Famas, libéré sur intervention personnelle à Bamako du général algérien Allalli Rachid. Les autres membres du directoire du Mujao, les plus influents, sont Omar ould Hama et Said ould Ahmed Sellam, sahraouis du Polisario, et, l’incontournable Mokhtar Belmokhtar, dit le borgne ou Mr Marlboro, algérien.

Le général major Allalli Rachid, alias Attafi, architecte de la création des faux jihadistes et parrain des organisations criminelles du Sahel, occupait le poste de directeur du département des affaires extérieures – DDSE, actuelle DGSE – à l’époque du général Mohamed Médiène alias Toufiq – lui-même DRS un quart de siècle durant se faisant appeler le Dieu d’Alger. Rappelons que le général Attafi est le géniteur des Accords d’Alger de 2015 entre Ansar Eddine el Islam, le MNLA, les autres mouvements touaregs et l’armée malienne. La mésentente entre ce général Attafi et le Mujao concerne deux quintaux de cocaïne en provenance de Colombie livrés mais non payés ce qui aura poussé cette organisation, composée en majorité de Mauritaniens, de Sahraouis et d’Algériens, à prendre en otage les sept officiers du DRS, présentés comme des diplomates, pour récupérer leur dû en échange de leur libération. Il n’y avait là aucune volonté de tuer des officiers algériens. L’unité du DRS de Gao était commandée par le colonel Boualem Sayés, consul général mort d’une hypoglycémie en captivité. Son vice consul va aussi mourir dans sa tentative de fuite. Notons que leurs familles n’ont pas été touchées par les kidnappeurs. L’émir Hamada ould Mohamed Kheiro, de nouveau libre, aura dirigé l’opération de prise d’otage. Cette épisode digne d’un roman policier de gare est l’illustration de la complicité d’un groupe « trabendiste » se convertissant en groupe de faux jihadistes parrainé par le Polisario et leurs parrains qui commandent dans l’ombre, à savoir l’état-major de l’ANP et du DRS.

Ce beau monde en route vers Tindouf ou Tamanrasset, est forcément porteur de laisser-passer ou sauf-conduit dans une zone hyper militarisée. Une zone, de Djanet à Borj Baji Mokhtar en passant par Tin Zaouaten, où l’ANP tue les jeunes Touaregs à balle réelles et à bout portant.

Le rapport de l’Office des Nations Unies dans la lutte contre la drogue et le crime a confirmé dans son rapport 2023 l’implication directe de l’oligarchie militaire dans le trafic de la drogue dure, le cannabis et les psychotropes, contrairement aux allégations des mercenaires des réseaux sociaux de l’ANP et de celles des barbouzes du journalisme à la commande. La réaction du système ne s’est pas fait attendre afin de répondre à un besoin de justification. Ainsi en est-il de la lettre du président Abdelmadjid Tebboun, lui-même, envoyée à l’ONU affirmant que le Polisario est innocent.

Sécuriser les pistes de la cocaïne

Dans la région de l’Afrique du Nord, plusieurs organisations terroristes et séparatistes, dont le Polisario, l’Aqmi et l’EIGS, sont impliquées dans le trafic transnational de drogue. Cette marchandise en provenance d’Amérique latine, est acheminée en Europe et au Moyen-Orient par divers moyens et filières. Les barons de la cocaïne utilisent les ports de Colombie et les aéroports pour envoyer leur marchandise à des pays d’Afrique de l’Ouest, tels que les îles du Cap-Vert, la Guinée Conakry ou la Guinée-Bissau. Ce trafic contribue aussi au développement de la piraterie maritime dans le golfe de Guinée. Une fois la marchandise arrivée sur les ports d’Afrique de l’Ouest, elle est prise en charge par des réseaux mafieux ou des organisations de faux jihadistes auxquelles sont mêlées des colonnes du Polisario lourdement armées. La drogue ainsi sécurisée est acheminée à travers le Mali et l’Azaouad jusqu’en Algérie.

Deux itinéraires principaux sont utilisés pour acheminer la cargaison de drogue vers les ports du Tell algérien, principalement Skikda, Jenjel, Oran et Mostaganem, avant d’être dirigée vers l’Italie, l’Espagne et d’autres destinations européennes. Le premier itinéraire passe soit par Timiaouine et Tamanrasset, soit par Tindouf, via la Mauritanie, dont le rivage est mal contrôlé. Le second itinéraire implique la complicité de réseaux mafieux brésiliens et vénézuéliens qui transportent la drogue par voie maritime directement en Espagne à Murcie et en Algérie à Oran. En outre, le trafic aérien est également utilisé pour acheminer la drogue depuis l’Amérique latine vers des endroits tels que Timbouctou, Gao, et les plaines désertiques où la topographie permet un atterrissage de nuit des avions non numérotés. Le rapport de l’ONUDC a également révélé l’implication de militaires, de la gendarmerie nationale et d’officiers de la DCSA (sécurité interne de l’armée algérienne) dans ce trafic de drogue ainsi que dans un trafic entre le Maroc et l’Algérie.

Pourtant, depuis 1994, la frontière entre l’Algérie et le Maroc est fermée, avec des tranchées de plusieurs mètres de largeur et de profondeur, ce trafic s’opère avec la complicité de certains barons de drogue marocains. Les militaires algériens remplissent ces tranchées sur des points précis qui permettent à des camions de transiter en Algérie, d’écouler et vendre de grandes quantités de drogue destinée à la consommation locale. Une petite quantité de ce cannabis est également dirigée vers la Tunisie et la Libye. Said Chengriha, commandant de la 3e région militaire de Tindouf durant quatorze années, protégeait personnellement ce trafic.

Comprendre la fusillade de Marseille

En mars 2022, la police judiciaire marseillaise procède à des saisies de cocaïne. Elle démantèle un vaste réseau opérant dans les départements des Bouches-du-Rhône et du Gard. Environ 530 kg de cocaïne sont saisis par la Douane française, le 9 août 2022, sur le port de Marseille d’une valeur estimée à 37 millions d’euros. La partie émergée de l’iceberg. En novembre 2022, une trentaine de membres présumés d’un vaste trafic international de cocaïne entre la Colombie, la France et l’Italie comparaissent devant le tribunal correctionnel de Marseille. Les actes de violence se multiplient. Les bandes marquent leur territoire. Des armes de guerre circulent. Des fusils d’assaut et des pistolets-mitrailleurs sont retrouvés chez une « nourrice » de trafiquants. Oran, Alicante, Marseille : la nouvelle algerian-connection ou le nouveau triangle des Bermudes ? Des règlements de compte et des fusillades se multiplient, se déroulent en plein jour. En attendant, les populations de Marseille et du Sud de la France, y compris les diasporas, n’en peuvent plus mais. Marseille se transforme en quartier mal famé d’Oran ou d’Elharrach.

Décidément, Monsieur l’ambassadeur Xavier Driencourt ne s’était peut-être pas trompé lorsqu’il aura lié l’effondrement de l’Algérie à la chute de la 5e République française. En tout état de cause, la France est dors et déjà gangrenée de l’intérieur comme le furent Medelin ou Chicago en leur temps.




Attafi
Le général Attafi sur Seine
mafia alger
cartel in Algeria

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